CAUCHEMAR

Nous n'avons pas pu jouer à Goos : c'est simple, au lieu de ça, nous avons vécu une sorte de cauchemar…
Samedi 24 janvier, 5h du matin : les bourrasques piétinent les fenêtres à grands coups de rangers, le souffle du vent est tel que l'on croirait entendre Neptune lui-même en guerre contre quelque voilier malheureux… A 9h du matin, les volets s'ouvrent sur un spectacle de désolation : arbres centenaires déracinés, comme soulevés de leur terre par une pelle à tarte monstrueuse, pylônes arrachés et tombants sur les routes comme des marionnettes sans fils, câbles électriques ou téléphoniques distendus et flottants, inutiles ; arbres cassés nets comme des allumettes par un géant maléfique et pervers ; arbres couchés en travers des rues calmes, affreusement calmes de Dax ; forêts alentours dévastées, râpées comme un vulgaire morceau de gruyère, défigurées par un vitriol sec et hasardeux…
Partout, des hommes au regard hébété, comme sonnés par le spectacle, parfois déjà à l'oeuvre avec leurs outils dérisoires, comme pour ne pas voir, ne pas se laisser gagner par la tristesse immense de ce paysage-là…
Les Landes, un samedi 24 janvier 2009 au matin, ça ressemble à la fin de quelque chose de grand et de beau ; ça laisse les humains sans voix, abasourdis par ce qui les dépasse, rattrapés d'un coup par l'essentiel qui s'affiche comme ces plaies béantes dans les troncs : vivre ensemble est le seul bien qui dure…
C'est tout le message de "Tranche 85" , que l'on devait jouer ce samedi 24 janvier 2009 à Goos, village perdu dans la forêt des Landes…